RDC : Le Conseil de sécurité réduit la portée de son embargo sur les armes et élargit la gamme des motifs de sanctions

Le conseil de sécurité vient d’alléger le dispositif d’embargo sur les armes et d’étendre les motifs d’impositions de sanctions sur la République démocratique du Congo. Adopté de 10 voix pour et 5 abstentions, ce vote permet au pays de s’approvisionner en armes lourdes pour sa défense.

La résolution reconduit le dispositif prévu aux paragraphes 1 à 6 de la résolution 2582  de 2021, mais supprime l'obligation de notification établie dès la résolution 1807 (2008) pour les envois d'armes et de matériels connexes à destination de la RDC, à l'exception des armes indiquées dans une annexe, dont la livraison reste soumise aux procédures de notification.
Il s'agit de tous les types d'armes d'un calibre allant jusqu'à 14,5 mm, des mortiers d'un calibre allant jusqu'à 82 mm, des lance-grenades et lance-roquettes d'un calibre allant jusqu'à 107 mm et de leurs munitions respectives, ainsi que des systèmes portables de défense antiaérienne (MANPADS) et des systèmes de missiles guidés antichars. La notification est également supprimée pour la fourniture de matériel militaire non létal et destiné uniquement à des fins humanitaires ou à des fins de protection, aux services connexes d'assistance technique ou de formation technique.

La résolution étend par ailleurs les motifs de sanctions applicables -gels des avoirs, interdictions de voyager...- aux personnes et entités désignées par le Comité des sanctions sur la RDC qui ont participé à la production, à la fabrication ou à l'utilisation d'engins explosifs improvisés en RDC, ont commis ou préparé des attaques utilisant de tels engins, les ont commanditées, s'en sont rendues complices, y ont pris part ou les ont appuyées de quelque manière que ce soit.  
Le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la République démocratique du Congo signalait 14 attaques à l'engin explosif improvisé entre la mi-mars et la mi-juin, attribuées aux Forces démocratiques alliées (ADF), suspectées par ailleurs d'entretenir des liens avec les réseaux terroristes,

Lors de la séance que le Conseil de sécurité a consacrée hier à la situation en RDC, le représentant de ce pays avait demandé au Conseil de retirer totalement ce dispositif de notification préalable, disposition « vieille de plus de 14 ans » qu'il jugeait « complètement obsolète ». Le représentant de la France, pays porte-plume, a dit avoir entendu la demande de la RDC et a regretté que cette avancée « certes partielle » mais qui selon lui reflétait l'équilibre des positions au sein du Conseil n'ait pas fait l'objet d'un soutien unanime. Il a insisté sur le fait que, face à la dégradation de la sécurité dans l'est de la RDC sous l'effet des groupes armés, le Conseil devait être en mesure de sanctionner les auteurs des violations du droit international et du droit humanitaire, et a ajouté que le texte adopté ne remettait pas en cause l'embargo sur les armes.

C'est par le maintien partiel du dispositif de notification, accusé par le Gabon de freiner la capacité de la RDC à contrer de manière rapide et efficace les activités des groupes armés lourdement équipés, que les représentants des A3 ont expliqué leur abstention. L'exigence en matière d notification ne répond pas aux impératifs de paix en RDC, a ajouté le Ghana. Tout en reconnaissant, comme l'a fait le Kenya, que certaines de leurs propositions avaient été prises en considération, les trois pays ont estimé que le libellé de la résolution ne répondait pas à l'appel de la RDC concernant la levée totale de l'obligation de notification pour ce qui est des armes, de la formation et de l'assistance technique.

La représentante de la Fédération de Russie a expliqué son abstention par le fait que les sanctions du Conseil devraient mieux refléter la situation « sur le terrain » et contribuer au processus politique, tout en étant régulièrement révisées et modifiées, jusqu'à leur suppression complète. Elle s'en est ensuite prise de manière générale aux régimes de sanctions établis par le Conseil, estimant que bon nombre d'entre eux ne correspondent plus à la situation réelle, interfèrent avec les projets des gouvernements nationaux en matière de construction de l'État et de mise en place de forces armées et de structures de forces efficaces et ne servent plus qu'à exercer des pressions sur les gouvernements en place d'États souverains.

Le représentant de la Chine a, quant à lui, rappelé les propos tenus la veille par la Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC, qui avait fait observer que le Mouvement du 23 mars (M23) disposait désormais des moyens d'une véritable armée et, jugeant cette situation inquiétante, a estimé que la RDC devait pouvoir se défendre. Il a justifié son abstention par l'impossibilité du Conseil de parvenir à un accord acceptable et a estimé que le texte adopté allait placer les autorités congolaises dans une situation difficile, y compris vis-à-vis de leurs voisins, ce qui, finalement, pourrait nuire aux capacités de la RDC à trouver des solutions durables à l'insécurité dans l'est du pays. Tout en ayant voté en faveur du texte, les Émirats arabes unis ont, eux aussi, regretté l'absence d'un plus large consensus et que les positions des pays de la région n'aient pas été davantage prises en compte.

La résolution souligne par ailleurs que les mesures qu'elle impose « n'ont pas pour objet d'avoir des conséquences humanitaires négatives pour la population civile », comme l'a rappelé le représentant du Brésil, qui a souligné que les sanctions prévues dans la résolution ne visent pas le Gouvernement de la RDC mais des individus qui, par leurs agissements destructeurs, déstabilisent l'est du pays.